La fermeture temporaire du poste frontalier de Ras Jedir, entre la Tunisie et la Libye, a révélé l’importance stratégique de cet axe commercial pour les deux pays. De mars à juillet 2024, ce poste crucial a été fermé en raison de l’instabilité sécuritaire en Libye, engendrant des perturbations économiques et sociales significatives. Ce verrouillage a mis en lumière la dépendance profonde de l’économie tunisienne vis-à-vis de ce corridor vital et a exposé les fragilités des échanges commerciaux dans une région où la stabilité est essentielle.
Le poste de Ras Jedir, un des plus grands points de passage terrestre en Afrique, est un pilier du commerce entre la Tunisie et la Libye. Sa fermeture prolongée, due à l’instabilité en Libye, a eu des répercussions majeures sur les exportations tunisiennes, entraînant des pertes financières importantes et perturbant les chaînes d’approvisionnement. Cette situation a également exacerbé le commerce parallèle et a révélé les défis socio-économiques auxquels sont confrontées les communautés du sud tunisien. Pour pallier ces impacts, un renforcement de la coopération transfrontalière et une amélioration des infrastructures sont désormais indispensables.
Pour mettre en lumière l’importance stratégique de la fermeture du poste frontalier de Ras Jedir, l’Iace (Institut Arabe des Chefs d’Entreprises) a récemment publié une analyse approfondie. Cette note examine en détail les répercussions économiques de cette fermeture prolongée, mettant en évidence les perturbations significatives qu’elle a engendrées pour l’économie tunisienne.
Impact immédiat sur le commerce bilatéral
La fermeture prolongée du poste de Ras Jedir a eu des répercussions directes sur les exportations tunisiennes vers la Libye. Au cours des dernières années, les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une dynamique positive, avec une augmentation notable des exportations tunisiennes vers la Libye. Entre 2017 et 2023, les exportations ont progressé de 55 %, passant de 1.195 millions de dinars à 2.650 millions de dinars. Ce volume d’exportations représente une part significative du commerce extérieur tunisien et souligne l’importance stratégique de ce poste pour l’économie tunisienne.
En 2022, les exportations tunisiennes via le poste de Ras Jedir étaient estimées à environ 479 millions de dinars. En 2023, ce chiffre a légèrement augmenté pour atteindre 480 millions de dinars, représentant environ 18 % du total des exportations tunisiennes. Les données fournies par le ministère du Commerce et du Développement des exportations révèlent l’importance cruciale de ce corridor commercial pour les échanges bilatéraux.
Cependant, la fermeture du poste a entraîné des pertes financières considérables pour l’économie tunisienne. L’Iace indique que, pendant la période de fermeture, les pertes en revenus d’exportation ont été estimées à environ 180 millions de dinars. Ces pertes pourraient atteindre près de 300 millions de dinars si la situation ne revient pas rapidement à la normale et si les longues périodes d’attente persistent. Les entreprises locales, en particulier celles opérant dans les secteurs du ciment, des produits agricoles tels que les fruits, et les produits de consommation tels que les shampoings et les couches pour bébés, ont été gravement impactées par cette situation.
L’impact sur les entreprises est d’autant plus significatif qu’elles dépendent fortement du poste de Ras Jedir pour accéder au marché libyen. La perturbation des chaînes d’approvisionnement et la diminution des volumes d’exportation ont créé des difficultés financières pour ces entreprises, entraînant des pertes d’opportunités commerciales et des impacts négatifs sur l’emploi.
Répercussions sur le commerce parallèle
Outre les impacts directs sur le commerce officiel, la fermeture du poste a également affecté le commerce parallèle, qui représente une part importante des échanges informels entre les deux pays. Selon un rapport de la Banque mondiale, le volume du commerce parallèle via le poste de Ras Jedir est estimé à environ 600 millions de dinars par an. Le commerce des carburants constitue l’activité dominante dans ce secteur, représentant 10 % des ventes et 30 % des bénéfices. Les principales marchandises transitant par ce commerce parallèle incluent le carburant, les articles ménagers, les appareils électriques, l’équipement, les vêtements et les fruits.
Bien que la fermeture ait temporairement freiné la contrebande et le commerce parallèle dans le sud tunisien et l’ouest libyen, elle a également eu des conséquences indirectes. En effet, ce phénomène a conduit à une augmentation des activités parallèles et de la contrebande le long de la frontière algérienne. Selon le rapport de la Banque mondiale, cette situation pourrait entraîner une perte de revenus d’environ 1.200 millions de dinars pour les autorités tunisiennes, qui auraient pu bénéficier de ces recettes si le commerce parallèle avait été régulé plus efficacement.
Mais les répercussions de la fermeture du poste de Ras Jedir ne se limitent pas aux aspects économiques.
Les familles et les communautés du sud tunisien, qui dépendent fortement du commerce transfrontalier pour leur subsistance, ont également été touchées par cette situation. La perte de revenus liée à la fermeture du poste a entraîné des difficultés financières pour de nombreuses familles, exacerbé les problèmes économiques dans une région déjà confrontée à des défis socio-économiques importants.
La perturbation du commerce a également des implications pour la stabilité sociale. Les périodes d’attente prolongées et les difficultés rencontrées par les entreprises et les familles peuvent accroître les tensions et les frustrations au sein des communautés locales, affectant ainsi la cohésion sociale et le bien-être des habitants.
Appels à la coopération et à l’amélioration des infrastructures
Dans son document, l’Iace précise que pour atténuer les défis posés par la fermeture du poste de Ras Jedir, il est crucial que les autorités tunisiennes et libyennes renforcent leur coopération pour garantir la fluidité du commerce. La restauration rapide du poste à son niveau d’activité précédent est essentielle pour rétablir les chaînes d’approvisionnement et soutenir les entreprises locales.
L’amélioration des infrastructures au niveau du poste de Ras Jedir est également une priorité. La mise en place de plateformes électroniques pour accélérer les procédures douanières et réduire la bureaucratie peut contribuer à faciliter le passage des marchandises et à minimiser les délais d’attente. En outre, des incitations devraient être offertes aux petites et moyennes entreprises du sud tunisien pour les encourager à investir dans la région et à renforcer l’économie locale.
Par ailleurs, l’expérience de la fermeture du poste de Ras Jedir met en évidence l’importance de la gestion des corridors commerciaux pour l’économie régionale. Elle souligne également la nécessité de développer des stratégies pour faire face aux perturbations éventuelles et pour minimiser les impacts négatifs sur les entreprises et les communautés locales.
Pour l’avenir, il est crucial de renforcer les mécanismes de coopération transfrontalière, de moderniser les infrastructures et d’améliorer la régulation du commerce parallèle. Ces mesures permettront non seulement de stabiliser le commerce entre la Tunisie et la Libye, mais aussi de favoriser un environnement économique plus résilient et durable pour les deux pays.
Ceci pour dire que la fermeture du poste de Ras Jedir a eu des répercussions économiques et sociales importantes, mettant en lumière la dépendance de l’économie tunisienne vis-à-vis de ce corridor commercial vital.
Pour restaurer une situation économique stable et soutenir les entreprises et les familles touchées, un effort concerté est nécessaire pour renforcer la coopération entre les deux pays et améliorer les infrastructures et les procédures douanières.